Pari : quels seront les prochains dans la rue ?

Cet article m’a été inspiré par un message (sous forme de recette) qui m’a été envoyé par Virginie. Voici la recette (en version synthétique personnelle) :

L’étouffe à la commission
Ingrédients :

  • un problème ou une préoccupation de la population (non solutionné de préférence). Le choisir vert ou bien mature, selon sa préférence ;
  • un ou deux faits-divers extraits de l’actualité, choisis pour inspirer la colère ou les sanglots chez la ménagère de moins de 50 ans ;
  • un bouquet garni d’âmes de bonne volonté assez crédules, d’amis politiques, et d’adversaires prêts à trahir pour quelques onces de pouvoir ou d’éclairage médiatique ;
  • 180 ramettes de 500 feuilles de papier Velin 80 grammes (ou 180 clés USB de 2 Go) ;
  • 78 minutes de vitrine télévisuelle sous forme de reportages, journaux télévisés, et conférence de presse.

Préparation :

  • prenez le problème, assaisonnez-le de faits-divers licencieux, et faites le dorer avec quelques phrases. Exemple : « C’est une vraie préoccupation des Français. Il convient en la matière de ne pas se précipiter, et d’agir dans la concertation, en recueillant l’avis d’un groupe d’experts qui sera chargé de remettre un rapport. Ce dernier ne sera pas un rapport de plus : je m’engage solennellement ici devant vous à mettre en oeuvre toutes les propositions qui y seront formulées. » ;
  • à l’aide du bouquet garni, montez une commission/comité de réflexion/groupe d’expert/ou mieux encore, un « Grenelle » ;
  • utiliser quelques minutes de vitrine télévisuelle pour placez le problème au sein de la commission (que vous aurez au préalable affublée d’un titre ronflant, mais que tout le monde désignera du nom de son président – choisi pour son ego démesuré -) ;
  • couvrez et laissez mijoter un temps qui ne devra pas être trop court pour éviter que le problème ne soit encore trop vif, ni trop long pour que le problème ne tombe pas dans l’oubli ;
  • introduisez ensuite les 180 rames de papier (ou les 180 clefs USB) puis attendez que la commission exprime son rapport de 500 pages en 180 exemplaires ;
  • arrosez ensuite abondamment le plat avec des minutes de vitrine TV pour la présentation du rapport par le président de la commission puis la remise officielle de ce rapport. N’hésitez pas à peaufiner la présentation en agrémentant ces minutes télévisuelles de déclarations péremptoires, et en exhibant le rapport bien haut ;
  • une fois les projecteurs éteints prenez le rapport encore tout chaud puis placez le dans la cave ou dorment et se meurent les milliers de rapport des commissions précédentes.

Je confirme : cette recette semble être une des favorites du président en place (et de sa Cour), comme ce fût le cas pour :

  • la commission sur la réforme des institutions (commission Balladur),
  • la commission chargée de la revalorisation du métier d’enseignant (commission Pochard),
  • la commission chargée d’étudier les moyens de renforcer la lutte contre le téléchargement illégal (commission Olivennes).

Pourtant, cette fois-ci, les gens semblent penser, pour une raison que j’ignore, que cette recette ne sera plus utilisée pour la dernière commission en date : la commission pour la libération pour le pouvoir d’achat (commission Attali, parfois appelée commission Attali-bérale ou Attila).

Résultat : les professions concernées descendent dans la rue, et manifestent pour lutter contre des réformes qui n’existent même pas sous la forme de projet (il s’agit juste une ligne dans un rapport). Derniers exemples en dates :

Quels seront les prochains ? Les pharmaciens ? Les salariés de l’INSEE ? Les élus des conseils généraux ? Les paris sont ouverts…

Appendice : pour être complet, voici la fin du message de Virginie, que je trouve tout aussi lumineuse que la recette donnée précédemment :

On notera toutefois que le toqué du 55 rue du Faubourg Saint Honoré à Paris concocte aussi une délicieuse variante de la recette : l’étouffe à la table ronde, qui consiste à monter une table ronde de partenaires sociaux ou autres, à qui on demandera d’avaliser des mesures que l’on a déjà décidé de prendre. Dans cette variante, peu importe ce que la table ronde exprime, l’essentiel étant de démontrer :

  • soit que l’on agit en accord avec les partenaires sociaux,
  • soit parce qu’ils n’arrivent pas à trouver d’accord entre eux.

Cette dernière variante a été finement mitonnée par l’une des apprenties du chef Élyséen : Rachida Dati, qui nous a proposé un étouffe à la table ronde judiciaire des mieux abouties avec sa réforme de la carte judiciaire.

Fond
musical :

 

 

VangelisBO « Les Revoltés du Bounty »


Commentaire

Pari : quels seront les prochains dans la rue ? — 4 commentaires

  1. Mon bon Emmanuel,

    S’il est vrai que c’est bien moi qui ai eu le plaisir de te transmettre cette savoureuse recette, ce n’est toutefois pas moi qui l’ai composée. Voilà, je tenais à le dire.

    Mais cela m’aurai fait bien plaisir de faire travailler mon imagination pour le faire tant il y a de justesse dans ce texte.

    Le plus juteux maintenant, serait de savoir combien çà coute une commission. j’ai ouïe dire quelque chose comme 20 000 euro par journée de présence pour le chef de la commission. Et observer la disparié politique de la population commissionaire.

    Si çà ce n’est pas de la corruption « légale », alors c’est bien parceque j’ai du caca dans les yeux.

    Vous avez besoin d’argent : emmerder un peu sa Seigneurie, saupoudrez le d’un peu d’opposition, arrosez le de jus suggestif à corruption, même réduire un domaine d’expertise à la con, dites les doigts croisés un chiffe entre 2 et 20000 et vous serez riche le temps d’une commission.


    Posté anonymement par virginie (site web)
    • Qu’importe que ce ne soit pas de toi, le fond est tellement vrai… Moi aussi j’aimerais avoir cette imagination.

      Pour ce que coûte une commission ? Aller, chez vous, un indice : j’ai participé dans ma jeunesse à une commission, comme… expert technique ! Oui madame, j’étais l’expert des experts, ça en jette hein ? Combien j’ai été payé ? Rien. Je touchais mon salaire, mais mon boulot m’attendait sur mon bureau à mon retour. C’est même mon établissement qui a payé les AR en train.
      Pour quel résultat ? Alors que plus d’1/3 du rapport final était de ma prose, je n’étais même pas sur la liste des rédacteurs. Je ne suis cité que… dans les remerciements. Alors, combien coûte un rapport ? Cher, bien trop cher…

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