Valse avec Bachir

Sans jeu de mot, ce film est un OVNI sur les toiles… Par où commencer ??? Tout d’abord, c’est un film d’animation. Et heureusement (je vous dirai pourquoi tout à l’heure) ! Ce film est aussi une autobiographie du metteur en scène, Ari Folman. C’est aussi un film sur la guerre, sur la mémoire, sur l’humanité…

Le fil conducteur (une histoire vraie) est simple à résumer : Ari Folman a rendez-vous dans un café avec un vieil ami, qui lui raconte comment ses nuits sont perturbées à cause d’un cauchemar qu’il fait régulièrement tous les matins, cauchemar où 26 chiens féroces le traquent (rien que cette première scène avec ces chiens enragés qui traversent la ville est poignante). Or, cette traque canine est en rapport avec les années où, durant la guerre, il abattait les chiens pour ne pas qu’ils alertent les villageois des bourgs où ils allaient "chasser le terroriste". Ari va alors se rendre compte que sa propre mémoire a presque tout oublié de cette période de sa vie, période où il était enrôlé dans l’armée israélienne, où il a été combattre au Liban, et en particulier à Beyrouth en 1982.

Il apprendra alors que la mémoire est sélective, malléable, incertaine… Aussi décide-t-il d’aller interroger ses anciens compagnons d’armes, d’anciens journalistes, pour tenter de reconstituer cette histoire de lui-même qu’il a oublié. Et petit à petit, la mémoire lui revient…

Le film reprend alors les grosses ficelles du film documentaire, où on voit Ari interviewer ses anciens amis, où on voit les images d’archives… sauf qu’ici, les images sont des dessins animés.

Bachir, c’est Bachir Gemayel, élu président de la république libanaise le 23 août 1982, et dont le portrait était affiché partout sur les murs de Beyrouth. La valse, c’est la valse que font ces jeunes soldats, devenus fous, fous de trouille, malgré toutes les préparations militaires qu’ils peuvent subir… Cette peur qui leur fait perdre leur moyen, leur fait tirer sur n’importe qui, leur fait faire n’importe quoi…

On retrouve aussi dans ce film une illustration de l’expérience de Milgram, dont j’avais déjà parlé ici. Lorsque Bachir Gemayel est assassiné 3 semaines après son élection, la milice chrétienne libanaise va se venger en massacrant hommes, femmes, et enfants dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila (Beyrouth ouest). L’armée israélienne, en poste sur place, pouvait-elle n’avoir rien vu ? Si, bien sûr… mais les soldats n’ont pas réagi, ça ne les concernait pas. Eux ont fait leur travail (obéir aux ordres) : ils ont prévenu leur commandement. Les journalistes aussi ont été prévenus. Mais un journaliste, c’est factuel. Ça ne rapporte que ce qu’il a vu. Or, ils n’y étaient pas… Les plus consciencieux ont appelé Ariel Sharon. Mais comme lui n’a rien vu non plus…

Et le film se termine par une petite minute d’images très dérangeantes : de vraies images d’archives, floues, de mauvaises qualité, prises au lendemain du massacre de Sabra et Chatila. Et alors que pendant près de deux heures, on a pu regarder objectivement des images de guerre sans être trop troublé, sans ressentir trop d’émotions, parce que dupé par le coté virtuel du film d’animation, tout d’un coup, la réalité vous rattrape. Et là, l’inutilité de la guerre, la bêtise et l’absurdité que l’humanité peut arborer en certaines occasions vous apparaît en plein visage. Le film a alors gagné son pari…

Fond
musical :

 

 

Orchestral Manoeuvres in the DarkEnola Gay : La seule musique que j’ai reconnue dans la BO du film (il faut dire que je ne suis pas spécialiste des musiques israéliennes).


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