Si quelqu’un pouvait me donner un cours d’économie…

On ne nous dit pas tout… comme dit la formule célèbre d’une humoriste à la mode. Formule certes, mais formule fondée de vérité. Bref, c’est la crise nous dit-on. Ça a commencé par ces méchants américains qui ont arnaqué les investisseurs en leur vendant des obligations de pauvres gens endettés jusqu’au cou pour payer une battisse qu’ils ne pouvaient s’acheter. Et ça continue maintenant, la faute à ces fainéants de grecs qui ne payent pas d’impôts et s’attribuent des avantages sociaux indécents.

Passé la doctrine officielle, qu’en est-il ? Tout d’abord, il semble que le déficit grec vienne en partie d’opérations mafieuses, suggérées par les banques (Goldman Sachs notamment), et contractées en toute connaissance de cause par les précédents gouvernements grecs pour masquer le déficit budgétaire (qui sinon aurait dépassé les 3% du PNB imposé par le traité de Maastricht, empêchant la Grèce d’entrer dans la zone Euro). J’avais déjà lu l’info de façon subliminale, mais cet article est assez démonstratif et vous donne tous les détails.

Le déficit de la Grèce ne serait donc dû qu’à des escroqueries financières ? L’article que je pointe, ou encore le billet de Wikipedia sur la question expliquent que la Grèce a émis 2,3 milliards d’Euros d’obligations, permettant à Goldman Sachs de prendre 1/4 de milliard de dollars en honoraires, et de succulents taux d’intérêts. De quoi expliquer un trou de quelques milliards d’Euros, voire de quelques dizaines de milliards d’Euros. Mais certainement pas le gouffre abyssal de 350 milliards d’Euros du déficit actuel ! Autrement dit : c’est parce que la Grèce était en grande difficulté à cause d’un déficit de plusieurs centaines de milliards d’Euros qu’elle était une belle proie pour ce faire arnaquer par les banques. L’escroquerie n’a fait que de finir de creuser le trou et de décaler dans le temps la prise de conscience du désastre.

Ainsi, l’origine de la dette grecque est assez opaque. Mais la solution pour l’aider à en sortir ne l’est pas moins. Si j’ai bien compris ce qu’on m’explique :

  • les états européens ont des déficits à la limite du supportable. Je traduis par (et dites moi si je me trompe) « ils n’ont plus d’argent et sont trop endettés pour emprunter encore et encore » ;
  • les états de la zone Euro (qui n’ont donc déjà plus d’argent, je viens de le dire à l’instant, suivez un peu 😉 ) vont prêter 130 milliards d’Euros aux grecs… qui ne peuvent déjà pas rembourser leurs dettes actuelles !
  • ce financement passera par un fond (le FEFS) qui va être renfloué, non pas des 130 milliards d’Euros qui vont être prêtés aux grecs, mais de près de 600 milliards d’Euros, afin que cet organisme puisse potentiellement émettre jusqu’à 1’000 milliards d’Euros d’obligations (il faut donc s’attendre à d’autres sauvetages). Mais d’où va venir cet argent me direz-vous, vu que les états n’en ont plus ? Et bien, il va être… emprunté !!! Notamment via l’Office de Gestion de la Dette Allemande (qui émettra des obligations et autres titres de créance), ou encore en empruntant au… Japon. Japon qui est, rappelons-le, LE pays le plus endetté au monde (et de loin, sa dette atteignant plus de 230% de son PIB) ;
  • ensuite, les grecs verront leur dette allégée de 100 milliards d’Euros, sous forme de cadeau fait par les banques (elles sont gentilles hein ? Elles effacent ainsi 100 des 250 milliards d’Euros de l’ardoise grecque) ;
  • mais après, forcément, il faudra… renflouer les banques en difficulté (par le fait qu’elles possèdent plein d’obligations grecques). Et qui renflouera les banques ? Et bien les états pardi ! Et voilà, la boucle est bouclée.

Oh laaa… Ça donne le tournis hein ? Tout ça peut sembler complexe à première vue, mais en réalité, les rouages sont assez simples : les pays jugés comme étant incapables d’assumer leur déficit (autrement dit, ayant une dette à risque), peuvent le creuser encore plus en empruntant à nouveau (mais cette fois-ci à des taux moins élevés que ce que leur situation catastrophique leur donnait droit), auprès d’un fond qui a la caution de pays peut-être encore plus endettés (comme le Japon), mais dont la dette est supposée seine.

On comprend maintenant l’importance des agences de notation, qui font la pluie et le beau temps (selon un mode de fonctionnement dont nous serions en droit de demander plus de transparence). Vous êtes notés « CC » et vous êtes obligés d’emprunter à des taux élevés. Vous êtes noté « AAA » et les banques vous prêtent à des taux bien plus attractifs. Ce « AAA » permet même de vous porter garant pour qu’un fond puisse emprunter en votre nom pour un pays noté « CC ».

Mais par contre, y a-t-il un économiste qui pourrais me dire combien de temps nous pourrons tenir dans ce système qui ne marche que grâce à de nouveaux emprunts, contractés auprès de banques qui vous prêtent de l’argent que vous leur prêtez quand elles sont en difficulté ?

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Commentaire

Si quelqu’un pouvait me donner un cours d’économie… — 7 commentaires

  1. oh que non ton billet ne file pas le tournis! je trouve qu’il est justement très clair et pointe bien la pourriture du système dans lequel nous vivons ! En suivant l’actualité les derniers temps j’en étais arrivée à peu près au même questionnement que toi je ne l’aurais pas si bien formulé car mon raisonnement était plus global . Avec tes exemples et tes différents liens tu m’as dc conforté ds mes idées mais tu me laisse avec les mêmes doutes…
    Pour essayer de terminer avec le sourire ( je ne peux m en empêcher )
    Certains économistes feraient mieux de faire le ménage dans ce système pourri au lieu de montrer à leur femme de ménage comment on récure une salle de bain 😉

  2. Autrement dit, tous les états, depuis le milieu des années 1970, font ce qui est interdit à toute entreprise privée et à toute famille : dépenser plus qu’elle ne gagne.
    J’espère qu’un des bienfait de cette crise sera une prise de conscience de ce fait, ce qui pourrait enfin amener à une gestion « de bon père de famille » des finances de l’Etat.

  3. @Rachel: tout à fait exact. Il faut faire le ménage… remplacer le système, oui, mais par quel autre ? Celui d’avant, lorsque les taux de réserve n’étaient pas si bas ? Il faudrait alors qu’on accepte de ne plus vivre au delà de nos moyens. Mais en sommes nous prêt ?

    @DaFab: d’aucuns te répondraient que la situation n’est pas si grave. Notre dette ne représente jamais qu’environ 85% de notre PIB. Ça correspond, si on fait le parallèle, pour un ménage qui aurait 50’000 € de revenus annuels, à un peu plus de 40’000 € d’emprunt. Une p’tit studio en somme, c’est raisonnable. Sauf que l’argument est faux. Le budget de la France n’est pas le PIB. Aujourd’hui, le budget annuel compte 1/3 en emprunt. C’est comme si, tous les ans, notre couple empruntait 16’000 €. De plus, nos intérêts cumulés ont bientôt atteints le montant de notre dette. Tu as raison, ça n’est plus vraiment de la gestion en bon père de famille tout ça…

    @aw: merci beaucoup+++ pour cette excellente vidéo. Je la trouve plus synthétique que l’autre excellente vidéo de Paul Grignon (que j’avais déjà présentée ici : http://desvigne.org/2008/09/26/cours-deconomie-generale-explication-de-la-crise-actuelle/ ), ou le billet « le système bancaire pour les nuls » de Philippuplus ( http://philippulus.daily-bourse.fr/post/Le-multiplicateur-bancaire-pour-les-nuls ).

    @OCS: merci+++ pour ce cadeau. J’attends avec impatience la suite (oui je sais, je suis gourmand), sur la crise des dettes souveraines — qui illustre bien le problème systémique de création monétaire par l’endettement — , qui répondrait plus à ma question finale 😉 …

  4. @aw: à ton service, et merci pour ta fidélité 🙂 Sachant que c’est en débattant qu’on progresse (en économie, je pars de loin et j’en apprends tous les jours…) 🙂

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