Est-ce la mort du papier ? Faut-il s’en plaindre ?

Voilà, ça, c’est fait. Après 25 ans de fidélité, j’ai divorcé cette semaine. Non, je vous rassure, notre couple va bien. J’ai seulement rompu mon abonnement au mensuel « Science et Vie ». Plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, à force de vouloir trop vulgariser la science, la revue ne rentrait plus assez dans les détails à mon goût. Fût un temps où je retrouvais dans les articles les explications sous formes littéraire des équations que je voyais à la fac. Ce temps est révolu (d’accord, je ne vais plus à la fac ; ce que je veux dire par là, c’est que les articles sont maintenant trop superficiels ; les auteurs ne rentrent plus dans les détails). Ensuite, le choix de la ligne éditoriale est discutable. Les thématiques traitées sont soit en lien avec l’actualité (ce qui est normal, mais on trouve la même chose sur le net), soit les sujets sont choisis pour avoir des titres accrocheurs, pour vendre du papier. Bon aller, je vais être franc : ça n’est pas pour ça que j’ai jeté l’éponge (car finalement, moi aussi j’aime bien les titres accrocheurs).

En fait, imaginez : 25 ans d’abonnement. Soit 12 numéros + 4 hors-série par an. Ça fait juste… 400 magazines. Joli volume de papier non ? Sans compter le coté pénible quand on veut rechercher un ancien article, et qu’on ne se rappelle plus trop à quelle date il a été publié. Et ça arrive. Par exemple, récemment, j’ai recherché un bon article qui expliquait comment des scientifiques semblaient avoir démontré que l’homme était physiologiquement programmé pour croire en un monde imaginaire, invisible, et par conséquent, enclin à croire en un ou plusieurs dieux. Le site science-et-vie.com, pas pratique du tout, me dit que c’est dans le numéro 1055 d’août 2005. Mais où ais-je bien pu le mettre ? Il n’est pas dans la pile sur mon bureau. Ni dans les « numéros archivés ». Oublié sur la plage ? Au boulot ? Prêté et par rendu ?

En 1998, ce même science et vie sortait un CD-ROM reprenant 10 ans de numéros (14’000 articles). Que du bonheur. Un simple CD-ROM, et on avait tout sous la main. Et maintenant, avec l’avènement d’Internet, imaginez ce que serait une version en ligne… Aussi, il y a 4 ans, ais-je écrit un courrier à S&V. Quand allez-vous proposer un abonnement à la revue en ligne (à la fois plus pratique et plus écologique) ? Réponse : une étude est en cours, nous vous tenons au courant. Il n’ont jamais repris contact. Je reprends ma plume un an après, et en réponse, j’ai un « non non, une telle formule d’abonnement à un magazine en ligne n’est pas à l’ordre du jour ». Puis (je suis têtu), un an après… ils n’ont même pas pris la peine de me répondre. Bref, au revoir…

Pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça allez-vous me demander (enfin, pour ceux qui restent). Tout simplement à cause de ça : la disparition du Quid papier. En effet, l’éditeur Robert Laffont a jeté l’éponge. Le papier n’est plus rentable, l’édition du Quid 2008 ne sortira que sur Internet. Fin du papier. Faut-il s’en émouvoir ?

Je vous ai expliqué tout ce que je pensais du coté pratique des documents dématérialisés. Je ne dirai pas que c’est plus écologique « en soit ». En effet, si je compare le bilan écologique de la production d’un dictionnaire à celui de la production d’un ordinateur (écran inclus), les préjugés peuvent se révéler trompeurs. Mais si je possède déjà un ordinateur pour autre chose, distribuer le contenu du magazine sous forme électronique devient alors rentable. Plus simple à consulter, à indexer… De plus, depuis que les moniteurs ont une bonne résolution, il est même agréable de lire sur un écran (c’est très subjectif comme constat, et je respecterai ceux qui pensent le contraire).

D’accord, certaines personnes ne pourront se séparer du papier pour des raisons psychologiques, tactiles, visuelles… Mais pour les gens qui, comme moi, se moquent du support et ne sont intéressés que par le contenu, la disparition du papier est-elle un drame ? Peut-être… En effet, il m’arrive de penser à tous ces livres perdus à travers le temps. Quelle serait notre vision des grecs, des romains… et de toutes les civilisations anciennes, s’il n’y avait pas eu les incendies (volontaires ou non), inondations, et toutes les catastrophes ayant détruit les livres.

Aussi, que laisserons-nous aux futures générations ? Des photocopies qui sont illisibles au bout de 30 ans (si si, descendez dans votre cave, allez voir vos anciens papiers). Des disques durs démagnétisés ? Des CD-ROM eux aussi illisibles ? Ou enregistrés dans des formats que plus aucun logiciel ne saura lire ? Il existe des projets d’archivage d’Internet et de tout ce qui est numérique (comme celui de la Bibliothèque nationale de France). Mais ces projets tiendront-ils à longs termes ? De plus, ils n’indexent que ce qui est public. Or, Internet n’est que le sommet de l’iceberg de ce qui est numérique (beaucoup de textes sont sur des Intranet, ou payants ; ils ne seront pas indexés).

Quelqu’un a-t-il une idée ? Tout imprimer, et enterrer le papier dans un coffre fort ? Je n’ai pas la réponse. Mais avouez que ça serait dommage que nos descendants ne retrouvent plus rien de notre civilisation…

Fond
musical :

 

 

GuilloC’est dans l’ère : Sommes nous devenus, comme le dit cette chanson, des nomades sédentaires ? Quoi qu’il en soit, Guillo, un p’tit groupe de jeunes humanistes à souhait, à découvrir d’urgence si ça n’est pas déjà fait (tien, ça me rappelle que j’avais déjà parlé d’eux ici même).


Commentaire

Est-ce la mort du papier ? Faut-il s’en plaindre ? — 12 commentaires

  1. tu pars du principe que le numérique se conserve plus rapidement.. je me demande si c’est le cas, dans la mesure où d’un clic ou d’un virus on peut supprimer beaucoup de choses… personnellement si je lisais la même revue tous les mois je la préfèrerais en papier, mais comme ce n’est pas le cas… de toute façon g tout un CDI à ma dispoition^^

    • Que veux-tu dire par « le numérique se conserve plus rapidement » ?

      Pour ce qui est des virus, il faut bien comprendre que les virus peuvent faire perdre une journée de production, et éventuellement, arrêter la production quelques temps (je traduis : on perd au pire les choses mises en lignes les dernières 24h, et le service est indisponible le temps d’ôter le virus). Tu raisonnes avec ce qu’il se passe sur un PC individuel de Mr Tout_le_monde. Mais dans les boîtes sérieuses, les données sont réparties sur plusieurs machines sur plusieurs sites, et chaque site est sauvegardé (sans compter qu’on utilise souvent plusieurs OS, on isole les machines, etc.). Le risque 0,00 n’existe pas, mais tout de même…
      Quand je parle de risque de perdre ces données, je ne parle pas de ce risque là. Je parle de la disparition des données à long (voire très long) terme (par exemple, que faire quand une boîte coule ? ou quand elles se rachètent entre elles ?).
      Et moi aussi j’ai tout une bibliothèque à ma disposition. Mais je ne lis pas couramment le journal du gynécologue ou la revue de néonatalogie… :o)

      • voilà que je mélange les mots… il fallait lire longtemps et non pas rapidement… g l’autorisation de retourner me coucher ? tu penses donc que les données numériques ne peuvent pas être perdues… mais n’a-t-on pas récemment entendu parler de millions de pages de données perdues en GB (je ne saurais pas détaillé, je n’y comprends rien^^)

        • Oui oui, tu peux aller au dodo (tu es cadre, tu disposes de ton temps comme tu veux 😉 ).

          Alors, je précise (c’est moi qui ai du mal à m’exprimer aujourd’hui, ou ce sont les gens qui sont fatigués ? les deux peut-être…) :

          1) pour ce qui s’est passé en Angleterre. Les fichiers ne se sont pas « perdus », au sens où ils n’existeraient plus. Une copie des dossiers de 25 millions d’assurés sociaux a été gravée sur un CD-ROM (par une personne inconsciente, qui a gravé les données en clair, sans les chiffrer). Et le CD-ROM s’est trimbalé dans la nature, et il s’est perdu (au niveau de la Poste si mes souvenirs sont bons). Mais les données originales sont toujours au même endroit. C’est leur copie sur le CD qui s’est perdu (et c’est grave, car il y a dessus des données médicales et bancaires).

          2) pour ce qui est des données qui se perdent (vraiment cette fois-ci). Ce que je veux dire, c’est que si l’administrateur système fait bien sont boulot, c’est quasiment impossible. Regarde ici. Je suis un bon administrateur système (si si , qui en doute ?). Les données sensibles ne sont pas écrites sur un disque dur, mais sur deux en simultané (on parle de disques en RAID). Ensuite, tout n’est pas concentré sur une machine, mais sur plusieurs, réparties dans plusieurs pièces. Le contenu de ces machines est aussi répliqué toutes les nuits. Et les sauvegardes générales sont faites au maximum toutes les 24 heures, dans des locaux différents et distants. Sauf attaque de tous les bâtiments de tout notre site, nous ne risquons pas grand chose. Et même pour ce risque, il suffirait qu’on loue un bout de disque chez un prestataire externe situé à l’autre bout de la France (ou à l’étranger) pour y faire aussi des sauvegardes, et le pb serait réglé.
          J’espère t’avoir convaincue que les données ne peuvent pas s’effacer comme ça. Un virus ou une catastrophe nous bloquerait peut être un jour ou deux, mais on ne perdrait pas nos données.

          Non, le risque n’est pas là. Il est sur le long, ou le très long terme (je parle en décénie, en siècles, voire plus). Pour le coups, quand une société coule, ou est rachetée, les loyer les salles serveurs ne sont plus payés. Les machines sont coupées. Les reprises des données ne se font peut être pas. Ou s’il y avait des guerres, des attaques avec des bombes magnétiques pourraient abimer pas mal de matériel. Ou tout simplement (c’est plutôt ça qui risque d’arriver), c’est qu’au bout de quelques années, les données aient perdu de leur intérêt. Alors, on les efface, parce qu’elles ne nous sont plus utiles. A nous oui, mais aux historiens dans deux siècles, qu’en sera-t-il ?

  2. L’autre jour, j’avais besoin du Quid pour montrer à article à Fiston.
    Si je n’avais eu que la version CD, j’aurais du allumer l’ordinateur, lancer VMWare (parce que je suis quasi sur que ca ne tourne pas sous Linux), deux minutes de perdues, et la dynamique entre la question et la reponse aurait été perdue (Fiston, en poireautant devant l’ordi qui démarre n’en aurait plus rien à faire de la réponse).
    Avec la version papier, on prend le livre, on cherche dans l’index, on va à la bonne page, on lit l’article, et on peut même feuilleter les pages précédentes et suivantes).
    La version papier n’est peut être pas rentable, mais c’est dommage.

    • C’est vrai que j’ai parlé du Quid, mais c’était un exemple parmi tant d’autres.
      Le papier disparait petit à petit de ma vie, mais je ne souhaite pas que ça soit le cas pour tout le monde. Déjà, je distingue le CD-ROM (qui n’est pas accessible simplement effectivement – je suis moi aussi sous Linux, mais ça n’est pas uniquement là qu’est le pb -) à Internet. Ensuite, mon cas est assez particulier. Dans la vie de tous les jours, j’ai quasiment tout le temps un PC pas très loin sous la main (mais c’est mon métier aussi…). Aller chercher un article sur le net me prend certainement moins de temps (je parle bien pour moi) que de le chercher dans le papier. Quant aux revues, je suis vraiment sûr que c’est plus facile de retrouver un ancien article dans une version « en ligne ». Inversement, je n’imagine pas [encore] lire un roman sous sa forme électronique (j’ai essayé bien sûr, mais mon cerveau n’est pas encore prêt).

      Quoi qu’il en soit, le but de mon article (assurément, j’ai du mal m’exprimer) n’était pas de faire la promotion du « on line ». Seulement de constater qu’avec la multiplication de gens comme moi, le papier risque de disparaitre. Et bien que n’étant pas adepte du papier, je trouve ça assez dramatique, pour le risque de disparition des archives…

  3. Bonjour Le Manu,

    Il ya quelques siècles, notre ami Gûtenberg, « inventa » l’imprimerie et donc la connaissance portable et diffusable.
    Un bon livre aujourd’hui, peut couter 20, 30 euro. Il est lisible à chaque instant, en tout lieu (même dans la baignoire ).
    Il est recyclable, donc on en trouve sur le second marché de l’occaz à des prix bien sympatique.
    Un livre reste un livre quelque soit le temps qui passe dessus.

    Une informartion numérisée demande un minimum d’infrasructure pour être lue : un lecteur portable plus de l’énergie portable et le tout en état de fonctionnement, ou pire un PC, donc achat de matériel, utilisation d’énergie, maintenance. Et « seuls » 9 millions de foyers en France sont connectés à Internet.
    Un matériel informatique est couteux et devient vite obsolète.

    De ce fait, c’est, à mon avis un support encore élitiste.

    V.

    • Stoooop !!!! Bon, manifestement, je me suis probablement mal exprimé, car tout le monde a compris le contraire de ce que je voulais dire.

      Je n’ai pas dit (du tout) qu’il fallait faire mourir le papier. Que science et vie existe toujours en papier, tant mieux. Je dis juste qu’il est dommage de ne pas permettre aux gens comme moi (qui n’ont pas plein de place dans leur appartement pour conserver des mètres cube de papier, et qui ont déjà un ordi pour autre chose) d’accéder à une version en ligne, qui aurait plein d’avantages.

      Mais je ne veux surtout pas supprimer le papier.

      Ensuite, j’ai dit que comme je n’était pas le seul à préférer une version en ligne, le risque devenait grand que la version papier ne soit plus rentable, et par conséquent, plus commercialisée (comme pour le Quid). Et ça, je trouve ça triste (mon argument était que la version électronique résistera mal au temps, j’avais oublié en plus ton argument qui est que tout le monde n’a pas accès au même niveau de technologie).

      Est-ce que les gens comme moi, qui préfèrent la version en ligne (et je parle bien des revues, pas des livres) doivent ne pas l’avoir, pour éviter ce risque ?

      • Il est vrai que tous les quotidiens et hebdomadaires mettent leurs articles en ligne.
        Les supports publicitaires n’y sont pas légiférés contrairement pour le support papier et il rapporte beaucoup, car il est aisé de compter le nombre de visiteurs et de cibler la pub en fonction du lecteur via ls cookies.
        Il n’y a pas le coup de production et diffusion que demande le papier. Et les périodiques sont souvent de la lecture « jetable ».

        Mais bon, pour ma part je pratique l’absurdité : je suis habonnée via le flux RSS à un grand panel de périodiques, donc je ne paye rien et je me goinfre de lecture. Cependant comme l’usage de mes yeux devant l’écran est limité et que je passe bcp de temps dns le train, j’imprime au travail ….

        • Ah, ils vont sortir un tout petit PC portable avec écran 7″ (que je vais bientôt avoir, Yessss), qui sera vendu à perte par un opérateur (comme pour les téléphones portables) parce que lié à un abonnement. J’ai entendu dire que pour une mise initiale de 100€, et un abonnement mensuel de 25€, il y aurait le surf et les e-mails en illimité sur un réseau 3G. C’est peut-être la solution pour ne pas avoir à tout imprimer…

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