Peut-on être de « gauche » et antisocial ?

Assurément, ça y est, c’est la crise. On nous la promettait depuis des lustres, qu’elle soit systémique et profonde, ou qu’elle soit passagère, ses effets se font sentir : les boîtes se débarrassent des esclaves emplois précaires (bye bye les intérims). Et ça n’est qu’un début…

Devant cette crise, on remarquera plusieurs attitudes :

  • l’attitude jugée courageuse (rrrhhmm rrrhhmm) de certains hommes de droite, qui disent qu’il faut laisser faire le capitalisme, et qu’il faut tout au plus réglementer un peu ici et là, surtout du coté des paradis fiscaux (ce qui nous arrange plutôt pas mal, ça mettrait fin à l’hémorragie de la fuite des capitaux), ou qui pensent qu’il faut mettre fin au dollar roi (qui a dit pourquoi pas l’euro ?) ;
  • l’attitude cacophonique du PS qui ouvre son congrès demain. Ce que j’ai retenu des dernières motions pour lesquels les enrôlés ont [presque] massivement voté ? Il faut changer de système pour un modèle plus juste, pour un modèle qui inclut le progrès social. Heuuu… Oui d’accord, mais en pratique, c’est quoi ce modèle ? Quelqu’un a une idée ? Non mais parce qu’il y a un siècle, l’idée économique (à laquelle j’adhère de principe) du PS était de dire « mettons de l’argent [public] dans des grands projets/travaux, ça créera des emplois, les gens toucheront un salaire,  dépenseront cet argent, qui sera l’essence de la pompe capitaliste, qui va alors se réamorcer, et ça relancera l’économie ». Franchement, j’ai toujours trouvé cette idée assez lumineuse. Seulement voilà, au delà de l’esthétisme, il y a un principe de réalité : ça ne marche pas ! Je ne suis pas économiste, et c’est dommage, j’aimerais bien comprendre pourquoi. Mais force est de constater que ça été testé à de nombreuses reprises : ça permet en effet de faire vivoter quelques familles, mais ça ne relance pas l’économie. Le front populaire n’est jamais arrivé à sortir notre monde occidental de la crise. C’est une belle guerre qui l’a fait. La où je voulais en venir, c’est que depuis cette fausse bonne idée, le PS n’a jamais proposé d’autre modèle économique/financier qui tienne la route ;
  • sinon, on voit ressurgir les idées de gauche (les vraies) : il faut faire dans le social. Je reconnais, c’est tentant. Sur le papier, ça marche. La solidarité, arrêter de penser à soit en s’en mettant plein les poches, penser aussi aux autres… Seulement voila. Ici aussi, principe de réalité : l’Homme n’est pas philanthrope. C’est un animal social, qui éprouve de la pitié. Alors, donner un peu à manger au gars qui meurt de faim au coin de la rue, OK. Mais accepter de partager ses ressources pour que tout le monde vive avec à peu près avec le même niveau de richesse : peu sont prêts à le faire. Rappel : PIB mondial divisé par nombre d’habitants égal à 437 €/mois (chiffres de 2004). Alors, je repose la question, combien sont prêts à vivre avec 437 €/mois ? L’Homme est social, un peu, mais il est aussi individualiste. En gros, il y a tout d’abord Moi, puis Ma Famille, mes proches, un peu les autres qui ne sont pas trop loin… et le reste du monde n’a qu’à se débrouiller. Ça n’est pas un hasard si les applications des modèles communistes n’ont jamais marché. D’accord, on va me dire que c’est parce qu’ils n’ont jamais été bien appliqués. Qu’ils ont été utilisés par des dirigeants totalitaires… Oui, mais enfin bon, qu’on me montre un endroit au monde où ça marche. D’accord, dans quelques villages isolés, au milieu de la savane ou des forêts vierges (qui disparaissent), ça fonctionne plus ou moins. Mais sitôt qu’on élargit l’échelle : il y a toujours un ou deux malins qui profitent du système, et même si ça n’est pas la majorité, ça suffit à tout faire partir en vrille.

Alors c’est tout ? C’est fini ? Il n’y a vraiment plus aucune utopie en laquelle croire ? Personne n’est capable d’imaginer un modèle de vie, un modèle social, un modèle économique (j’utilise ce mot, mais on peut le changer) qui prenne en compte l’aspect social de l’être humain, mais aussi (parce qu’il est ainsi), sa composante non négligeable d’individualisme ? Les seuls qui pourraient (peut-être, même pas sûr) seraient les anarchistes. Mais il paraît qu’ils sont occupés à casser les caténaires du TGV (à moins que ça, ce soit de la propagante de MAM). Alors quoi, personne ?

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Commentaire

Peut-on être de « gauche » et antisocial ? — 5 commentaires

  1. je suis prêt à vivre pour 437 euros par mois, sous réserve qu’on diminue strictement la durées des mois à deux ou trois jours.

  2. Je reviens pour la fin de ton article .. j’ai relu récemment « la mémoire des vaincus » de Michel RAGON roman qui balaye l’histoire de l’anarchie (A lire !).
    L’anarchie a toujours été accompagnée de violences … d’ailleurs l’idée et le courant de pensée en lui même est « violent » dans le sens ou ça chamboule la conscience.

    Quel idéal ? quel modèle de société pour demain ?
    … je vois cette crise comme un hoquet de notre système .. un de plus … mais ce n’est pas la fin.
    Mais le changement est en route cela va commencer sans doute dans les prochaines années par un basculement du centre de gravité économique… car oui pour le moment on est toujours lié à l’économie.

    Mais pour aller vers quoi ?

    je ne sais pas …

  3. Il y a l’écologie qui va nous obliger à repenser l’économie, la production et la consommation de masse, des mamelles parmis d’autre du capitalisme libérale, étant en complète contradiction avec l’écologie …..

  4. @zigzornif: il faut s’entendre sur le mot anarchie. Finalement, je me rends compte que ce mot exprime à titre personnel un forme de démocratie individuelle. On n’est loin du « ni fois ni loi » ou du « ni dieu ni maître ». Je serais plus dans un modèle où chaque individu est maître de ses actes et pensées. Maintenant, comme on ne peut gérer tout sur tout, on peu éventuellement déléguer une partie de ce pouvoir individuel à quelqu’un d’autre (c’est en ça que ça ressemble à la démocratie). La différence est que les actions menées grâce à cette délégation de pouvoir doivent être transparentes, et l’individu doit pouvoir récupérer sa part de pouvoir quand il veut. Désolé, réponse longue, il faudra que j’écrive un billet là dessus un jour…

    @dramelay: excellente idée ! Je vote pour !!!

    @virginie: je suis beaucoup moins optimiste que doit. C’est le modèle économique (et financier) qui régit le monde. Et en terme d’écologie, ce modèle n’engendre aucune anticipation, aucune prospection. Toutes les actions qui résultent de notre modèle économique ne sont que des actions curatives, une fois qu’on a le « bec dans l’eau », une fois que le mal est fait ou que les ressources sont épuisées.

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