Les trois commandements de l’hédonisme

Ceux qui me connaissent le savent : non seulement je ne suis pas déiste (ce qui me place comme une exception dans l’espèce humaine si j’en crois la neurobiologiste Jacqueline Borg qui aurait démontré que l’Homme est génétiquement programmé — grâce à la présence de Sérotonine, un neurotransmetteur — pour croire en une religion), je ne suis même plus agnostique (s’il fût un temps où j’admettais qu’il n’était pas totalement improbable qu’il y ait un être ou une pensée supérieur au dessus de nous, ce temps est révolu), je suis athée.

Or, les bigotes et autres grenouilles de bénitiers se mettent souvent à trembler à l’évocation même de cette étrange foi qui consiste à ne pas croire en dieu. Cachez votre argenterie, enfermez vos filles, le loup sans morale est lâché !!! C’est tout de même drôle cette façon qu’ont les gens à imaginer que l’introspection, la méditation, la morale sont l’apanage du déiste. Je pense personnellement tout le contraire !

Le théiste n’a qu’à gober tout cru ce que les soutaneux (j’utilise ce terme même si je ne vise aucune religion) leur insulfe comme vérité absolue, vérité obtenue auprès de dieu lui-même (par quel miracle, mystère…). Le déiste a un peu plus de travail. Ayant pris du recul vis à vis des obédiences religieuses, il cherche souvent à philosopher afin de dédifférencier ce qui est bien de ce qui est mal. Mais je suppose que la présence d’un dieu (et pourquoi d’un seul d’ailleurs ?) doit lui faciliter la tâche… Alors que l’athée a tout à construire. Rien ne lui est enseigné par un souffle divin.

Or, n’est pas athée qui veut ! Face aux questions existentielles, il est tellement plus simple de faire le choix apathique d’une croyance, d’une religion. Les choses deviennent simples : elles sont ce qu’elles sont parce que dieu l’a choisi. C’est ainsi, pas besoin de se poser de question. Aussi, il faut du travail, du recul, de la réflexion, pour oser s’affirmer athée. Il faut trouver soit-même une réponse (ou plus fréquemment avoir l’humilité d’admettre qu’il n’y en a pas) pour toutes les questions auxquels les croyants répondent en allant chercher des vérités gravées au marbre dans leur bible.

Pourtant, étrangement, je n’ai jamais lu de statistiques démontrant que les prisons étaient remplies d’une proportion plus importante de personnes n’ayant pas la foi. Je n’ai pas vu les athées violer leur voisine ou frapper leurs gamins plus que les autres. Alors qu’inversement, l’exercice serait interminable si nous devions lister tous les crimes commis au nom d’une religion.

Il me faudrait probablement un livre (et pas un simple billet dans un blog) pour vous expliquer tout le cheminement qui m’a amené à construire ma morale. Pourquoi je place l’individu (l’être Humain) au dessus de tout. Pourquoi je suis non-violent, bien qu’avouant qu’il ne faut pas l’être en toute circonstance. Pourquoi il ne faut pas tuer ou voler. Vous voyez, même sans religion, j’arrive à des conclusions qui s’approchent (de loin hein, il ne faut surtout pas entrer dans le détail) aux bonnes morales promulguées par les théologiens.

EpicurePour vous aider à matérialiser mon fond de pensée, je pourrais passer mon temps à regarder toutes les situations de la vie, et à jouer à un quizz manichéen du style « est-ce que je pense que tel truc est bien ou mal ?« , « faut-il agir ainsi ou autrement ?« , etc. Mais ça serait bien vite saoulant, et vous donnerait une image immodeste de mes pensées, ce qui ne doit pas être le cas. Car oui, rappelez-vous, pour l’athée, avant la naissance, il n’y a rien, après la mort non plus, et entre les deux, nous ne sommes vraiment pas grand chose. La vie se résume en une drôle d’absurdité… Alors, j’ai tendance à résumer ma morale en trois commandements. Attention ! Ce sont les miens, je ne souhaite nullement les imposer (ni à vous ni à personne… enfin si je l’avoue, j’aimerais bien que la première soit appliquée par tous). De plus, rien ne prouve que mon expérience ne me fasse pas changer un jour d’avis. Mais pour l’heure, voici mes trois commandements :

  1. un être Humain tu ne posséderas point ! Je l’avoue, c’est plus une règle humaniste qu’une règle hédoniste. On peut dire ce qu’on veut, en dire du bien ou du mal, mais force est de constater que l’Homme a intrinsèquement l’esprit de possession. Suivant les tributs ou les peuplades, ce besoin s’applique à des choses différentes. Par exemple, les peuples nomades n’ont pas une notion importante de la propriété privée de la terre. Mais ça ne leur empêche pas de vouloir posséder des chameaux, des chevaux, des… femmes ! Chez d’autres, on a aboli l’esclavage et les femmes ont autant de droits que les hommes, mais pourtant, certains membres ont « leur secrétaire », « leur équipe », « leurs employés »… On utilise le travail et l’argent pour contrôler la vie des autres, leur insuffler des habitudes, un mode de vie, une étique… Ailleurs, c’est via la religion qu’on contrôle les gens. Le pouvoir est justifié par un droit divin, et celui qui le possède peut faire ce qu’il veut de ses serfs au nom de dieu. Que ce soit par la force, par l’aliénation dû à un manque d’enseignement, par les religions qui vous demandent de ne pas goûter au fruit de l’arbre de la connaissance, par la rhétorique ou la manipulation, les exemples ne manquent pas. Or, rien ne justifie dans l’absolu qu’un être Humain puisse posséder un autre être Humain comme il possèderait un objet.
  2. prendre plaisir ! La règle hédoniste par excellence. Il faut dire que je ne crois pas à l’eudémonisme. Croire que tout le monde peut accéder au bonheur… Allez expliquer ça au gamin de 2 ans chez qui on découvre une maladie orpheline, qui devra subir des traitements lourds afin d’espérer vivre au mieux jusqu’à son adolescence. Aussi, comme l’accession au bonheur pour tous semble une utopie (et que les rares qui l’atteignent le doivent plus au hasard qu’aux chemins qu’ils ont pris), je me contenterai de vouer un culte au plaisir. Le mien, mais aussi celui des autres, car je trouve plaisant de donner du plaisir (n’oubliez pas de faire aux autres ce que vous aimeriez qu’ils vous fassent). Et de toute façon, avons nous le choix ? Tout ce que nous devons faire sur terre pour vivre (se nourrir, s’abreuver d’une eau saine, s’abriter) est rarement source de plaisir. Alors, doit-on consacrer notre vie à pomper, chasser, cultiver, construire nos habitations ? Ceux qui nous ont expliqué qu’il fallait nous contenter de ces corvées et d’une vie médiocre sur terre pour mériter une meilleure vie dans l’au-delà sont justement ceux qui vous le demandaient pour que les seigneurs puissent, à l’inverse, jouir sur terre au nom de dieu de tout ce qui pouvait être pris (car eux savaient que tout ce qui est pris n’est plus à prendre, et que les promesses d’une belle vie après là mort n’engageaient que ceux qui y croyaient…).
  3. mais surtout ne pas nuire… à soit et aux autres bien entendu. C’est la règle qui est le garde fou de la précédente, et qui fait que la vie n’est pas un western où seuls les plus forts se font plaisir au détriment des autres. C’est aussi celle qui nous protège des excès qui nous rendraient malades…

Ces trois règles sont ma façon de supporter l’absurdité de la vie dans insupporter plus qu’il ne faut mes congénères. Cette morale auto-déterminée peut avoir des conséquences qui choqueraient d’autres morales, plus directives (et souvent plus dictées que résultant du fruit d’une intègre réflexion). Mais je m’en fiche. J’ai appris (relativement récemment) que bien d’autres personnes avaient cette vision des choses. Pierre Desproges, Michel Onfray, Nicolas de Chamfort, et tant d’autres… qui ne semblent pas avoir amené leur entourage à devenir misanthrope. Aussi, à défaut d’avoir la certitude de ne pas me tromper, je sais au moins qu’avec ce bagage, je peux avancer sereinement…

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Commentaire

Les trois commandements de l’hédonisme — 12 commentaires

  1. Je me souviens de mon sujet de philo du bac, qui a dû être le sujet de philo qui m’a le plus intéressé de toute l’année : « La morale est-elle une convention sociale ? »
    J’ai adoré le sujet, le correcteur a détesté ma dissert…

    Je suis d’accord avec toi sur la majeure partie de ton article. Mais la difficulté de l’athée à définir ses repères, son référentiel moral n’est que le prix à payer pour sa liberté.

    Ouais, ça vaut le coup …

    Sinon, il y a aussi les athées amoraux, qui n’ont pas eu cette réflexion, et dont le référentiel moral n’est bâti que sur des imitations et non des réflexions

  2. @Fabien: des athées anormaux… Je ne sais pas s’ils sont anormaux finalement. Mais tu as raison, ils existent, et j’ai eu tôt fait de les oublier. Dommage pour eux qu’ils ne fassent qu’un copier/coller de ce qu’ils voient ou de ce qu’on leur a enseigné… ils deviennent vulnérables aux idées reçues, comme les théistes. Là encore, c’est probablement l’enseignement qui pêche…
    Au juste, quand est-ce que tu nous mets ta copie de disset sur ton blog (c’est vrai que le sujet était intéressant) ? 😉

  3. @ Fabien
    tu dis « Mais la difficulté de l’athée à définir ses repères, son référentiel moral n’est que le prix à payer pour sa liberté.  »
    C’est vrai, mille fois vrai.
    C’est difficile, c’est long, on tâtonne, on cherche, on recule, on avance, et pour ma part, on discute avec son prochain.
    Mais quand on tient une idée, bien à soit, on en est très fier, on grandit, on brille de milles lumières, quitte à faire évoluer cette idée avec le temps, les évènements vécus, les rencontres, etc.

    J’ai assisté un jour à une conférence sur la la¨cité.
    Le conférencier justement disait que c’est dur pour le législateur pour créer une loi humaine, juste, de bon sens, qui va vers le projet social, etc sans le cadre du religieux. C’est un travail qui demande du courage. Et bien souvent notre assemblée nationale en manque. je pense par exemple aux travaux sur la bioéthique. Et bien dans leurs commission, z’on pas pu s’empêcher de mettre des curetons de tout poil et pas grand chose n’en est sortie du reste …

    Qu’on le veuille ou non, la ou les religions participent à l’agrégation d’une société.
    Chercher son chemin,d’une manière athée, s’est forcément, prendre de la distance avec la société dans laquelle nous vivons et que nous formons pour y retourner et y trouver sa place avec sa petite différence. C’est là pour ma part, où j’ai un peu de mal…

  4. @virginie: c’est sûr qu’à ne pas suivre le troupeau, on risque d’être un peu différent. Il faut avoir les épaules assez larges pour l’assumer… Tu as lâché le mot de laïcité : c’est un moyen (s’il est compris et appliqué) d’accepter les différences des autres, et pour que les autres acceptent la nôtre.

  5. Je n’ai pas demandé les copies de mes épreuves du bac, donc je n’ai pas ma dissert de philo. De plus, je pense qu’elle ne serait pas mirobolante… A 18 ans, j’avais encore du mal à philosopher…

  6. tiens en lisant « hédonisme » dans tes petits mots clés , me voila .
    Comme j’n’ ai pas tout lu ici et que j’avais un peu de tps ce matin je me suis attardé sur ce billet…
    Me connaissant tu dois pouvoir facilement imaginer ou savoir ce que je pense de l’hédonisme 😉
    Je persiste et signe j’adhère principalement à ce que tu écris.
    J’insisterai même que dans la notion de l’appartenance de l’être humain , tu me fais un peu cogiter , ms ça cogite encore là, alors je reviendrais en parler quand j’aurais mis les mots dans le bon sens 🙂
    par contre et c ‘est là ou je voulais en venir :
    depuis qqs mois à chaque fois que j ‘entend le mot « hédonisme » me vient à l’esprit une anecdote …
    En effet il y a qqs tps on m’a « traité » d’hédoniste!
    je trouvais cela plutôt flatteur sur le coup, mais mon interlocutrice c est empressée de préciser :
    « je te le dis comme une insulte ! la recherche du plaisir ne te fais pas vivre , tu évite les côtés négatifs de ta vie , donc tu ne vis pas !c’est trop facile l’hédonisme »
    et moi je pense que c’est justement le contraire car dans notre vie:
    Les contraintes sont bien plus accessibles que le plaisir .
    Merci d’avoir mis des mots sur certaines de mes pensées

    • Merci beaucoup pour votre venue et votre reprise. Je suis toujours aussi heureux de croiser des gens à l’esprit ouvert et cherchant l’éclairage ailleurs que dans le dogme. Au plaisir… 😉

  7. A la recherche de définition sur hédonisme, je suis tombé sur ton billet qui, ma foi, m’a fait assez cogité. Moi je suis croyant, et je dirai même plus je crois en un seul Dieu créateur du ciel et de la terre. Et je crois aussi en cette théorie qui dit qu’après la mort il y a quelque chose (Fameux livre de la Bible: Jean chapitre 3 verset 16) Mais j’aime bien échanger car pour moi, l’être suprême se retrouve également en chacun de nous. Je passais par là, mais ça me plairait de revenir plus tard pour lire d’autres de tes billets. Merci encore, peut-être que je te contacterai sur facebook à l’occasion.

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