TVA sociale : pourquoi elle va forcément faire baisser le pouvoir d’achat

Nous avons entendu plein de choses sur la TVA sociale. Mais peu de ces rhétoriques (qu’elles soient en faveur ou contre ce concept) sont argumentées avec des éléments tangibles et vérifiables. Alors, le simple citoyen que je suis (qui n’est pas économiste de formation, loin s’en faut) va essayer d’y voir plus clair.

Avant tout, rappelons le concept : augmenter la TVA de 5%, et faire diminuer les charges sociales, afin de contrecarrer l’augmentation de TVA, pour que le produit reste au même prix. Voici un petit schéma ci-contre qui illustre ce principe (ne regardez pas les chiffres exacts, c’est le principe qu’il faut retenir).

Or, la mise en oeuvre de cette idée posera 3 problèmes au gouvernement :
1) Comment estimer le pourcentage de diminution de charges sociales pour qu’elle annule l’augmentation de la TVA ? Simple exemple : supposons que je fasse faire mon repassage auprès d’une entreprise. S’agissant d’un service, les portions en vert dans mon schéma seront importantes. Inversement, si j’achète des piquets en fer pour clôturer ma maison, le pourcentage du prix lié à la matière première sera plus important (réduisant ainsi la part de dépenses salariales, et par conséquent, de charges sociales) ;
2) Admettons ce pourcentage calculé, comment l’appliquer ? Appliquer des réductions de charges suivant les secteurs (services, production de produits manufacturés, matières premières… ), ou bien faire une « moyenne », pour que « globalement », le pouvoir d’achat reste le même ? Là aussi, le calcul de cette « moyenne » risque d’être compliqué…
3) Enfin, admettons que ce pourcentage de réductions fiscales sur les charges salariales soit trouvé et appliqué. Qui nous dit que les entreprises répercuteront intégralement ce cadeau fiscal pour faire diminuer d’autant le prix de vente de leurs produits ? Qui nous dit qu’elles n’en profiteront pas pour augmenter leur part de marges bénéficiaires ? Dès lors, le prix HT du produit augmentera, le prix TTC d’autant plus.

Actuellement, c’est sur ces différents points que débattent les protagonistes. Reste un autre, qui n’est utilisé que par les défenseurs de la TVA « sociale ». Selon eux, ce mécanisme favorisera les produits nationaux, au profit des produits d’importation. En effet, la hausse de TVA ne sera contrebalancée par la baisse des charges sociales que pour les produits fabriqués en France. Evidemment, les produits fabriqués à l’étranger ne bénéficieront pas de cette réduction des charges fiscales. Pour eux, l’augmentation de 5% de la TVA se traduira par une augmentation de 5% du produit. Le consommateur n’aura d’autre choix que :

  • d’acheter un produit français. Or, s’il ne le faisait pas jusqu’à aujourd’hui, c’est justement parce que ces derniers étaient peut-être plus chers,
  • ou de continuer d’acheter le produit étranger, quand il n’existe pas d’équivalent en produit national (nous produisons bien peu de téléphones mobiles, équipements informatiques, etc.).

Or, essayons d’estimer cette part de produits d’importations dans le panier de la ménagère. En 2006 (sources INSEE) , le PIB était de 1’792 milliards d’€. 481 milliards d’€ de cette production sont exportés. A ces 1’792 – 481 = 1’311 milliards d’€ de produits français consommés en France, il faut ajouter 507 milliards d’€ de produits importés. Nous avons donc consommé 1’818 milliards d’€ en 2006. Ces 507 milliards d’€ d’importation représentent 28% de la consommation totale.

Autrement dit, parmi toutes les dépenses faites en France (par les ménages, l’industrie, les administrations, etc.), 28% sont des produits d’importation. Ce sont 28% des dépenses assujetties à la TVA qui augmenteront de 5%, si le consommateur ne trouve pas d’équivalent français (à coût égal) au produit importé.

Or, regardons un peu mieux le panier des ménages français (sources INSEE) :

  • dépenses de logement (pas de TVA) : 24%,
  • impôts et remboursements de prêts (~pas de TVA) : 10%,
  • transports et communication : 16%,
  • alimentaire : 15%,
  • équipement, loisir, culture : 12%,
  • santé et enseignement : 6%,
  • autres biens et services : 17%.

Au final, ce sont 34% (environ 1/3) des dépenses des ménages qui ne sont pas assujetties à la TVA, les [environ] 2/3 restant l’étant.

Ainsi, si nous faisons un calcul bête (discutable, soit, mais qui nous donne la tendance), 66% de notre budget qui comporte en moyenne 28% de produits d’importation augmenteront de 5%. Au final, le panier de la ménagère augmentera « en moyenne » de 0,66 x 0,28 x 0,05 = 1%.

En conclusion : en admettant que l’état diminue correctement les charges sociales pour que ça compense l’augmentation de la TVA (ce qui n’est pas évident), en admettant que les industriels répercutent totalement cette baisse des charges sur le prix de vente de leurs produits (ce qui est encore moins gagné), le panier de la ménagère augmentera tout de même d’environ 1%.
Ce chiffre peut évidemment être modulé par 3 leviers :

  • l’état peut ne pas augmenter les « taxes spéciales » (carburant, alcool, etc.),
  • il peut aussi décider de ne pas augmenter la TVA sur les produits de « première nécessité » (en gros, les produits taxés aujourd’hui seulement à 5,6%),
  • enfin, le consommateur peut se rabattre sur les productions nationales, quand la concurrence existe. De plus, il est probable que cette mesure incite les consommateurs frontaliers à aller remplir leurs « gros caddies » dans les états limitrophes, ou d’autres à acheter certains produits à l’étranger (via Internet notamment).

Alors, à qui profite cette taxe, dite « sociale » ?

  • aux producteurs français ayant une concurrence directe avec les produits étrangers (secteur automobile, habillement, alimentation, etc) ;
  • aux industriels : en effet, ne croyant plus au père Noël, je n’imagine pas une seconde que les baisses de charges sociales se traduiront à 100% en baisse des prix, et qu’ils ne profiteront pas de l’occasion pour augmenter un peu leurs marges,
  • et enfin, à l’état lui-même – ça n’est pas un hasard si on entend les protagonistes défendant cette hausse de TVA dire « mais il faut bien trouver une solution pour remplir les caisses » – : en effet, même si nous ne lançons pas une bataille des chiffres (la baisse du pouvoir d’achat sera-t-elle de 0,5, 1, 2, ou 3% ?), ces quelques % seront autant de recettes pour l’état. Qu’en fera-t-il ?

Qui sera perdant ? Et bien disons qu’une baisse de pouvoir d’achat de 0,5 à 3% ne mettra pas en péril les moyens et gros salaires. Mais comme pour la baisse des charges sur les heures supplémentaire, ce sont à nouveau les bas salaires, les chômeurs, les délaissés qui seront pénalisés.


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