Un triste record vient d’être battu en France aujourd’hui. A votre avis, combien de fois un homme peut-il être jugé en cours d’assise dans notre bon pays ? Moi, j’aurais dit "une fois blanc, une fois noir, et une fois en appel", ce qui fait trois. Et bien non. Aujourd’hui aura lieu à Troyes le quatrième procès en assise d’une même affaire. Pourquoi ? Chez vous, un indice (source : le blog de Virginie) :
Parallèlement le juge Raviot est chargé d’une instruction financière sur Jacques Heuclin, Maire PS de Pontault-Combault et beau-père de Jean Reffait. Il travaille étroitement avec le député RPR local, Jean-Pierre Cognat. Le procureur Ingall-Montagnier, son supérieur, est l’ancien chef de cabinet de Jacques Toubon, il sera le futur directeur-adjoint de cabinet de Dominique Perben. L’ordre est formel : il faut faire tomber Heuclin, soit sur son propre dossier, soit sur son beau-père. Jean-Pierre Cognat veut la mairie de Pontault-Combault. Les deux dossiers sont vides. Le juge Raviot est contraint au non-lieu sur Jacques Heuclin. Dès lors, il charge le dossier Reffait, conformément aux objectifs.
Résultat : alors que Jean Reffait semble bien avoir été victime d’une boucherie judiciaire à la sauce Outreau (en moins médiatique, et en pire, car cette fois-ci, l’erreur ne vient pas d’une bêtise ou de l’incompétence d’un juge, mais semble bien avoir été orchestrée pour des raisons politiques), il va aller une quatrième fois en assise.
En effet, le juge de Créteil, sans avis (ou contre avis) de sa hiérarchie, a profité de la torpeur estivale de 2007 pour faire suivre le dossier à Troyes. Si ce juge ne risque qu’une éventuelle suite disciplinaire, le procès n’a pas été annulé pour autant, et doit commencer aujourd’hui.
Cet évènement m’inspire deux questions :
- comment peut-on parler de justice, alors que le verdict est donné par des gens qui ne sont pas juges, et qui n’ont pas la culture et le recul pour évaluer une affaire (et qui, je l’ai appris récemment, n’ont pas accès au dossier : en France, ils ne voient que ce qu’on leur présente oralement lors du procès, les pièces laissées sous silence par les avocats leurs resteront inconnues). Les jurés tirés au sort parmi les habitants du 16ème arrondissement de Paris auront-t-il la même vision d’un affaire que les jurés choisis aléatoirement dans une banlieue ouvrière ? Le verdict d’une même affaire serait-il le même avec ces deux jurys ?
- quel est le mécanisme qui contrôle la machine judiciaire, pour qu’elle ne s’emballe pas, ou qu’elle ne soit pas un outil politique (utilisé par la gauche comme par la droite pour discréditer une famille afin de gagner des élections) ?
Fond
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Nina Simone – Don’t let me be misunderstood |
c’est vachement complexe cette affaire, vu d’ici
Oh, elle l’est, ya de quoi écrire un bouquin. Mais au delà de l’affaire elle même (que je ne voulais pas vous faire juger), ce que je voulais éclairer, c’est le coté aléatoire d’un jury populaire, et le fait que la justice peut-être une arme, et peut harceler des gens et détruire des vies.
Non seulement coté jury, il y a une dimension très forte aléatoire, mais aussi, le plus glauque, la « justice » peut être instrumentalisée à des fins politiques, de vengeance, d’assouvissement de haine comme c’est le cas ici.
Merci Emmanuel de faire passer l’info.