Michel ONFRAY – Politique du rebelle

Pffff… Ca fait quelques semaines que j’ai terminé ce bouquin. Mais j’ai attendu un moment avant de poster un billet sur cet ouvrage. En effet, pour le coup, je m’attaque à deux monuments. L’auteur tout d’abord, le livre ensuite. Alors, comme avant toute ascension d’une montagne, j’avais besoin de prendre mon souffle.

Une fois n’est pas coutume, je vais tout d’abord commencer par dire quelques mots de l’auteur. Si vous cherchez sur le net, vous verrez que Michel Onfray est souvent résumé comme étant le "philosophe de l’hédonisme". Mais c’est bien plus que ça. Philosophe oui, et de façon jusqu’auboutiste : il ne se contente pas de parler de philosophie (il laisse ça aux professeurs de philo). Il prend position pour une philosophie, la défend, et l’applique à lui même, à ses actes et décisions, pour démontrer qu’elle fonctionne En l’occurrence, le concept dont il fait la promotion est l’hédonisme, c’est à dire la doctrine selon laquelle le plaisir (le sien, mais pour que le sien soit complet, celui des autres aussi) doit être le but de la vie. Et ça marche ! En effet, dit comme ça, on pourrait penser que la recherche simple du plaisir pourrait amener à vivre de façon égocentrique, nous invitant à faire n’importe quoi pour trouver notre plaisir, au détriment de celui autres. Évidemment, il me serait impossible de résumer ici tout son raisonnement sur ce sujet, mais il démontre que l’éthique hédoniste nous amène fort logiquement à une "morale" hédoniste (je n’aime pas ce mot, mais ici, il s’applique), qui nous permet de vivre dans de bien meilleures conditions que celles, asservissantes, induites par les religions ou les lois du plus fort inhérentes au capitalisme libéral (cette morale hédoniste qui pourrait se résumer par "fait aux autres ce que tu aimerais qu’ils te fassent"). Car vous l’aurez compris, finalement, Michel Onfray est avant tout un Humaniste (notez la majuscule).

Au delà de ses idées, Michel Onfray se caractérise aussi par une méthode. Lorsqu’il s’adonne à l’analyse de l’oeuvre de quelqu’un (philosophe ou autre), il ne peut faire l’économie de l’étude du personnage en question. En effet, selon lui – et il m’a convaincu -, notre enfance, notre histoire, notre contexte, ce que l’on mange, etc. influence beaucoup sur ce que nous sommes, et par conséquent, sur ce que nous disons, pensons, etc. Il aime décortiquer les autres philosophies en regardant leurs conséquences, et en les comparant avec la philosophie hédoniste. Cette récurrente référence à l’hédonisme fait dire à ses détracteurs que << Michel Onfray, c’est comme les livres pour enfants : tout comme il y a Martine à la ferme, Martine fait du camping…, il y a la contre-histoire hédoniste de la philosophie, l’hédonisme chrétien, etc. >>. Ca n’est pas faux ; et alors ? Si c’est pour démontrer que ça vision des choses est meilleure [pour l’Homme] que ce que nous avons pu voir par le passé, je suis preneur.

Je ne vous le cache pas, découvrir Michel Onfray directement à travers un livre est chose ardue. Bien que son style d’écriture ne soit pas si abscons que celui des philosophes grecs ou les intellectuels comme Hegel (ceux qui s’y sont cassé les dents comprendront), Michel Onfray utilise le mot juste pour parler de ce qu’il pense, qu’importe si le mot n’est pas nécessairement connu ou employé par monsieur tout le monde. De plus, il enfonce parfois lourdement le clou, ce qui peut allonger inutilement certains chapitres.

Pour ma part, j’ai découvert cet homme via les conférences qu’il donne à l’Université Populaire de Caen – UPC -, dont il est le créateur. Il y a déjà dispensé 5 saisons de cours. Il y développe une "contre histoire de la philosophie" : il démontre que – et tente d’expliquer pourquoi – l’histoire officielle de la philosophie est un parti pris, et que bien des idées, des courants de pensées, et des oeuvres majeures ont été écartées de cette "pensée officielle". Je possède ainsi sur mon disque dur (avis aux amateurs) les 5 saisons de cours de Michel Onfray à l’UPC (soit 5 fois 25 heures de cours !), telles qu’elle ont été radiodiffusées par France Culture. Et avouons-le, autant le style littéraire de ce philosophe demande qu’on s’accroche à la lecture, autant son talent d’orateur fait que ses paroles se boivent comme du petit lait…

Maintenant que vous cernez mieux l’auteur, si je ne vous ai pas fait fuir, je vais pouvoir vous parler du livre…

Vous l’aurez deviné, l’ouvrage est un livre de philosophie… hédoniste (on y revient). En introduction, Michel Onfray, fidèle à sa méthode, nous dévoile un peu sa vie, nous apprenant ainsi quels sont les grands événements qui l’ont amenés à penser comme il pense aujourd’hui.

Tout d’abord, une enfance qui n’en est pas une, avec des parents qui l’envoient dans un orphelinat de Salésiens, où il apprend les claques, brimades, et vexations comme méthode d’enseignement et d’éducation. A suivre, son premier contact avec le monde du travail. Faisant un job d’été dans une fromagerie (devrais-je dire dans La fromagerie, l’Entreprise qui représente toute l’activité économique d’un village), il découvre le monde du travail dans une entreprise ayant une organisation pyramidale, où l’employé est un rouage de production, au même titre qu’une machine ou une bête de somme. Ses conditions de travail (ayant une incidence directe sur sa santé, son espérance de vie, sa faculté à pouvoir prendre du recul pour raisonner, réfléchir) n’ont aucune importance. Et l’encadrement se fait suivant ce que j’appelle la "politique du petit chef" : le contre-maître, personnage improductif et antipathique, recherche la productivité à l’aide de la baguette, les brimades, et la peur. Enfin, son passage à l’école et au service militaire n’ont pas amélioré les choses. Il vérifie ainsi durant toute sa jeunesse que le progrès de l’Humanité ne profite souvent qu’à une poignée de personnes, au détriment d’une très grande majorité d’autres, asservie et mécanisée. Et intrinsèquement, viscéralement, son être ne supporte pas cette façon qu’à le monde de fonctionner.

C’est ainsi qu’il imagine, à l’aide des lectures qu’il fait dans le cadre de ses études, une autre politique qui permettrait à une bien plus grande partie de la population d’être heureuse (ou tout au moins, de rechercher le plaisir). Il démontre, au travers les pages du livre, qu’une vision hédoniste est la solution pour arriver à cette fin. Il fait la promotion de cette fameuse "politique du rebelle". Dans la lignée du "discours de la servitude volontaire" d’Etiene de la Boétie, il nous invite à refuser ouvertement ce que j’ai appelé "la politique du petit chef". Cette forme d’anarchie ou de philosophie libertaire, dont il fait la promotion, ne signifie pas qu’il faut refuser toute forme de hiérarchie ou d’autorité. Seulement, il invite à ce que tous les acteurs de la chaîne aient conscience de cette hiérarchie, en comprennent le rôle, et acceptent les indications de ceux qui apparaissent comme l’autorité. L’ouvrier ne doit plus exécuter bêtement les ordres parce qu’on lui demande (avec l’utilisation de moyens de pression plus ou moins discutables), mais parce qu’il comprend à quoi sert son travail, et parce qu’il est d’accord avec ses conditions d’éxécution.

Cette vision invite mécaniquement à faire monter le niveau d’instruction vers le haut, à responsabiliser tous les gens, à les faire réfléchir, à les faire choisir… C’est exactement l’inverse de ce qui a toujours été fait. Classiquement, les "seigneurs" n’avaient qu’à abrutir les gens (à l’aide des religions par exemple, qui promettent le plaisir dans l’au-delà à condition de vivre dans la peine sur terre, ou en transformant les gens en machine à consommer, prêtes à tout pour gagner à tout prix la somme nécessaire pour acheter un produit dont finalement, ils pourraient très bien se passer…).

En conclusion : il est difficile de résumer en quelque lignes toute la théorie de Michel Onfray en général, et ce livre sur "la politique du rebelle" en particulier. Et je ne sais pas si je dois vous conseiller de lire ce livre en premier (car oui, je vous invite très vivement à le lire), si vous souhaitez aborder la philosophie de Michel Onfray. Peut-être qu’un petit passage par l’écoute de ses cours de l’UPC permettra de vous acclimater à l’univers lexical et idéologique du philosophe. Ensuite, un ouvrage comme la "contre-histoire de la philosophie", un manuel scolaire qu’il a écrit pour des élèves de terminale technologique – avant qu’il ne claque la porte de l’éducation nationale -, complétera votre apprentissage. La lecture du "traité d’athéologie" (toujours du même auteur) vous éclairera sur ce que j’ai résumé en quelques mots précédemment, à savoir "comment les religions temporelles ont été utilisées pour asservir les hommes pour les mettre au service d’autres". Dès lors, vous serez prêt pour cette "politique du rebelle".

Épilogue : vous l’aurez peut-être compris, si vous avez remarqué la fougue avec laquelle j’ai pu parler de tout le travail de Michel Onfray en général, et de cette oeuvre en particulier : je suis plutôt conquis à plus de 80% avec ses théories. Il y a peut-être à creuser ces idées, à une époque ou je -et peut-être nous- fais le constat que nos républiques ne sont plus des démocraties, où tous les partis politiques commencent à se ressembler, où il n’y a plus d’utopie vers laquelle se tourner pour trouver des solutions de remplacement à cette crise.


Commentaire

Michel ONFRAY – Politique du rebelle — 9 commentaires

  1. Ce philosophe, sait semer dans nos esprit quelques graines d’énergie libertaire.
    J’aime
    Merci Emmanuel pour ton article
    V.

    • Attention, comme je l’ai précisé, si tu n’es pas littéraire, et si c’est ta première approche de M. Onfray, la lecture sera peut-être un peu prise de tête. Mais ça vaut le coup…

  2. bon dans la petite ville où je vis il n’avait pas ce livre d’Onfray… je me suis rabattue sur completement autre chose mais qui devrait être bien aussi… je ferai une fiche de lecture^^

  3. Il y a quelques temps, j’ai lu de M. Onfray le traité d’athéologie.
    Très très intéressant à condition que :

    1. on ait le temps de lire ca tranquillement
    2. de ne pas être un catholique hermétique

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