C’est quoi le bonheur ?

Cette question a été posée par mariedesormes dans un récent commentaire, qui en a amené un autre qui m’a beaucoup touché 🙂 J’en profite donc pour l’embrasser et la remercier.

En préambule, vous noterez que cet article est classé dans la catégorie «songes», et pas dans la catégorie «philo». Autant dire que le sujet est encore à l’état de friche, et que je n’ai pas fini d’y songer…

Coïncidence, le dernier livre que j’ai lu tente d’apporter une première réponse, que j’ai déjà entendue plusieurs fois : «je sais qu’on peut rire chaque jour et profiter de chaque instant sans réellement être heureux». Autrement dit, le bonheur ne serait pas une somme de plaisirs. L’idée mérite d’être creusée.

J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, je suis un hédoniste. Commençons déjà par nous fixer comme cible de nous faire plaisir, et de nous faire plaisir en faisant plaisir aux autres, en nuisant le moins possible. Objectif modeste certes, mais réaliste. L’eudémonisme (le bonheur pour tous) est plus noble, plus ambitieux… mais est-il accessible ?

Question de définition tout d’abord. Le plaisir, tout le monde semble savoir ce que c’est. C’est une sensation, une émotion dont la cause est aisément identifiable (délectation culinaire, jouissance sexuelle, plaisir d’offrir, etc.). Remarquons que le plaisir a des effets assurément éphémères.

Par contre, pour ce qui est de définir le bonheur… Tout le monde le cherche, semble savoir intuitivement ce que c’est. Mais quand il s’agit d’en donner une définition précise, ça se complique. Un exemple ? Si je vous demande de réfléchir à des images, des photos, ou des tableaux qui illustrent le plaisir : rapidement, il devrait vous venir en tête des dizaines d’idées (personnellement, je vous sors tout de suite le jardin des délices de Jérôme Bosch). Mais quelle est l’œuvre d’art qui illustre pour vous le bonheur ? Ça se complique non ? Tout de même, notons que la conscience populaire semble attribuer au bonheur une certaine pérennité qui fait défaut au plaisir. Il s’agirait plus d’un état de sérénité ou de plénitude que d’une émotion. Certains vont même jusqu’à définir le bonheur comme étant l’absence de malheur. Je ne crois pas trop en cette dernière définition : comment, sachant que l’Homme semble être un éternel insatisfait, l’ataraxie — cette vie douce et sans problème — peut-elle être synonyme de bonheur ?

A défaut de savoir ce que c’est, peut-être aurait-on quelques pistes pour l’atteindre ? À l’opposé de la citation de Michel Labonne citée au début de l’article, les épicuriens pensent que le bonheur est accessible en cherchant les plaisirs matérialistes sans tomber dans l’excès, sans en devenir l’esclave (mais est-ce suffisant ?). Certains vitalistes pensent que tout est volonté de puissance (autrement dit, tout est «vie») autour de nous. Que notre destinée est prédéfinie par notre part de volonté de puissance. Le bonheur serait alors de prendre conscience de cette volonté de puissance, d’accepter la destinée qui en résulte (mince, tout serait joué d’avance alors 🙁 ), et d’en jouir pleinement. Pour les idéalistes (les anti-hédonistes si vous préférez), le bonheur est ascétique : prières, privations, et autres abstinences dans le monde ici bas est la clé du bonheur, car il ouvrira la porte du paradis dans une hypothétique vie d’outre-tombe. M’ouai… On a asservi des génération d’esclaves avec des idées comme ça.

Hummm… et finalement, si le bonheur n’existait pas ? Ça me conforterait dans mon idée initiale : commençons déjà par être hédoniste, et laissons de coté l’eudémonisme, qui vise un absolu qui n’est peut-être qu’un fantôme. CQFD, ou «to be continued…» ?

download Fond musical : Grand corps malade – Je dors sur mes deux oreilles

Commentaire

C’est quoi le bonheur ? — 8 commentaires

  1. je ne sais ce qu’est ton bonheur Manu, je crois savoir identifier le mien lorsqu’il ‘se manifeste’, il m’arrive de me dire, de penser ‘je suis heureuse’ parce que c’est une évidence, ma tête, mon coeur et mon corps me le disent. J’aime cette conscience, fugace, du bonheur, l’identifier, ne pas passer à coté, pour mieux l’apprécier. J’ai le sentiment que le bonheur ressort de la tournure d’esprit plus que de la réalité, de notre réception des choses, des événements …. Nous avons des bonheurs différents, ce qui me rend heureuse ne te rendra pas forcément heureux toi, tout dépend de ce qui nous importe ….
    Ceci dit, je pourrais t’en parler encore pendant des heures mais excuse-moi, je manque un peu de temps ce midi, j’ai du bonheur à vivre …..
    Mais envie de te citer Voltaire avant de m’éclipser : ‘Le bonheur est la seule chose qu’on peut donner sans l’avoir et c’est en le donnant qu’on l’acquiert’.

  2. @Firenze : oui, il faut savoir reconnaître des « moments de bonheur »… Mais le bonheur absolu, comme état de plénitude, je n’y crois pas trop… Aussi, effectivement, cherchons déjà à reconnaître et apprécier ces p’tits bonheurs. Ça n’est déjà pas si mal, non ?

  3. euh … je n’avais pas écouté l’illustration musicale et je connais encore très mal ‘Grand Corps Malade’, joli choix Manu, vraiment.
    « quand je regarde par la fenêtre je vois que le béton est en fleur’ …. Voilà, ça illustre bien ce que je voulais dire par ‘le bonheur c’est plus une tournure d’esprit qu’une réalité’, tout le monde ne voit pas de fleurs dans le béton …. Et ça me renvoie à cette phrase d’Alain que j’aime vraiment beaucoup : ‘Le pessimisme est d’humeur, l’optimisme de volonté’, envie de transposer, je crois que le bonheur est de volonté …..

  4. @Firenze : oh là… j’ai plein de choses à écrire sur le slam en général, et grand corps malade en particulier. Je l’ai découvert une nuit chez Ardisson : http://desvigne.org/2005/11/27/slam-grand-corps-malade avec son texte « ma tête, mon coeur, mes couille ». Géniallissime. Dès qu’il est sorti, j’ai acheté son premier album : la claque. Pour le comprendre, il faut un p’tit peu connaître son histoire. Vers ses ~ 18/20 ans, il est allé à la piscine. Il a sauté du grand plongeoir, et s’est tapé au fond de l’eau. Résultat : colonne vertébrale tassé, il marche maintenant avec un canne. Comme il s’est retrouvé pas mal de temps dans un lit, il a découvert la poésie, et s’est alors mis au slam. Son premier album cause pas mal de ça. Il faut que je te le fasse découvrir…
    Personnellement, je n’ai jamais trop apprécié la poésie… jusqu’à cette révélation. J’ai alors compris que des gens pouvaient vibrer sur de la poésie. Moi même, il y a des textes de slam qui me donnent carrément la chair de poule.
    Autre auteur que j’ai découvert : Julie ( http://desvigne.org/2007/12/02/slam-julie ). En particulier, elle a fait un texte « femme » qui me fait vraiment vibrer, et un autre « t’es qu’un enfant » qui est à la limite de me donner des larmes aux yeux. Bref, il y a de vrais talents dans cet art, à creuser donc…
    [edit] NB : en complément de ma remarque, je me rends compte que « femme » n’est plus sur le site myspace de Julie. Si tu veux l’écouter, sache que c’est le fond musical de cet article : http://desvigne.org/2008/10/09/querelles-sexistes-chez-les-francs-macons

  5. Je n’accroche pas trop à la poésie non plus, enfin pas la poésie en vers. Et j’ai moi aussi apprécié la versification par le slam, le peu que j’en sais, je n’ai pas d’albums de slam mais j’entends Grand Corps Malade à la radio parfois et ses textes me touchent par leur pertinence, leur qualité, leur richesse, et la beauté des vers, des mots qui claquent, sonnent, résonnent, raisonnent… J’aime vraiment beaucoup, je vais regarder ou plutôt écouter ce qu’il fait de plus près. Merci Manu pour le partage. 😉

    Tu sais, je ne connais rien au slam, comme je te l’ai dit. Le peu que j’ai entendu, et seulement par GCM, me fait penser que ça permet de dire des choses profondes, souvent noires mais belles, personnelles voire intimes, avec la pudeur que permet le scandé du slam. Tu en penses quoi ?

    Bon, je file écouter Julie, merci ! 😉

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